Lubumbashi ne désire pas vos chars ni vos millitaires

Article : Lubumbashi ne désire pas vos chars ni vos millitaires
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28 mai 2017

Lubumbashi ne désire pas vos chars ni vos millitaires

 

Manifestation du 20 Déc 2016 à Kinshasa. Ph: MEDIACONGO.NET

Lubumbashi a vibré au rythme des contestations réprimées dans le sang par l’armée et la police, le 20 et le 21 décembre 2016. Les manifestants demandaient le départ de Joseph Kabila après l’expiration de son dernier mandat constitutionnel.

Bien avant la date fatidique du 19 décembre, j’avais constaté le déploiement insolite d’un impressionnant dispositif militaire à la cité des travailleurs de la Gécamines à Lubumbashi (deuxième ville de la République démocratique du Congo) ainsi qu’à l’entrée de la commune de Katuba toute proche de cette cité.

Policiers et militaires avaient en outre installé une sorte de caserne au terminus des bus dit Matshipisha, point chaud des contestations, situé près de l’un des bureaux de l’UDPS (l’Union pour la démocratie et le progrès social, le principal parti de l’opposition dirigé par le légendaire Etienne Tshisekedi). Leur quartier général s’est vite mué en un centre de tracasseries, avec force invention d’infractions et, à la clé, la perception d’amendes (forgées de toutes pièces) de l’ordre de 50.000 francs congolais, soit près de 42 dollars américains, sans compter les extorsions pures et simples d’argent et de téléphones ainsi que les sauvages brutalités gratuites.

Moins de violences le 20 décembre que le jour suivant

Le 2o décembre, dès le matin, les manifestants contre le maintien de Joseph Kabila au pouvoir et les forces de l’ordre (qui n’ont pas d’autre mot d’ordre que la force) se sont affrontés. Les manifestants ont mis le feu à des pneus à divers endroits. Echanges de jets de pierres et de grenades lacrymogènes ainsi que de coups de feu.

Mais le 21 décembre n’a rien eu de pareil à cette ambiance à laquelle la population était habituée  lors des manifestations. Des violences ! Difficile d’aller à l’école, au travail ou au marché.

Un mercredi meurtrier à Lubumbashi

Les militaires se sont déployés à travers la cité des travailleurs de la Gécamines. Ils ont battu à mort un homme, fautif de les avoir seulement filmés à l’aide de son smartphone. On voit bien pourquoi les autorités détestent les réseaux sociaux et internet !

A divers endroits, des militaires ont tiré à bout portant sur la population, comme s’ils étaient sur un champ de tir. Il y aurait eu 19 morts, selon les manifestants, mais deux seulement  selon les autorités, et de nombreux blessés. Ces vaillants guerriers avaient une morphologie tout à fait différente de celle des Congolais (c’est pourquoi la population a vu en eux des mercenaires) et ils n’ont été relevés et remplacés par une autre unité que le lendemain, après le passage de la MONUSCO, qui arrive toujours en retard comme tout bon pompier qui se respecte.

Des élèves en uniforme ont été interpellés et mis en garde à vue sur place, jetés par terre. Une jeune fille, prise de peur en entendant des coups de feu, s’est évanouie en pleine route. Mais la population ne s’est pas lassée de provoquer les militaires, de les agonir d’injures, de leur lancer des pierres, de mettre le feu à des pneus, de barrer, en y plaçant des véhicules désaffectés, la route nationale numéro un qui mène à la cité frontalière de Kasumbalesa.

Des manifestants qui n’ont plus peur

Dans la commune de Katuba, des policiers ont pris la fuite devant les manifestants en colère. Ceux-ci ont incendié le commissariat de police, bon nombre de véhicules qui étaient parqués dans la cour du bureau de la commune, le bureau de la SONAS (Société nationale d’assurances), 10 semi-remorques et aussi, hélas ! un centre de santé qui n’avait pas voulu soigner en urgence l’un des blessés. Bien plus, ils voulaient incendier une station d’essence attribuée à la mère du président Kabila !

A Lubumbashi, j’ai vu une population qui n’avait plus peur de mourir, des jeunes et des adultes qui affrontaient l’armée jadis tant crainte. Des jeunes gens étaient en train de jouer au football à quelques mètres du champ de tir, ne se dispersant qu’à la dernière seconde, lorsque les militaires étaient tout proches. Les attroupements de plus de dix personnes avaient été interdits, quoique des attroupements d’une seule personne aient été sauvagement dispersés, mais dès que les militaires se repliaient, les gens revenaient encore plus nombreux sur la route. Le gouverneur de la province, venu pour… appeler la population au calme, a essuyé des jets de pierres qui l’ont blessé et obligé à prendre la fuite. Les différentes provocations de la population, c’était du pur Thyl Ulenspiegel, du pur Gavroche ! Les militaires ont riposté en procédant, le lendemain à l’aube, au bouclage de certains quartiers, faisant du porte à porte non pour repérer d’éventuels suspects mais pour procéder systématiquement à l’arrestation brutale de tous les hommes, jeunes et vieux, soumis au paiement d’une amende forfaitaire de 100.000 francs congolais (près de cent dollars américains). Deux jours plus tard, la MONUSCO a fait relaxer ceux qui n’avaient pas eu les moyens de payer cette toute petite amende. Dommage que la MONUSCO (la Mission de l’O.N.U.au Congo) ne puisse réveiller les morts, les 40 civils tués sur l’ensemble de la ville de Lubumbashi qu’elle était censée protéger, qu’elle avait la mission de protéger.

Voici la morale que je tire de tout cela : qui ne veut pas la fin ne veut pas les moyens ! Pourquoi pas le déploiement d’une telle force à l’Est du pays, qui voit tuer des Congolais chaque jour ? Je m’étais déjà écrié, lorsqu’on avait fait venir, il y a quelques mois, plusieurs  chars et de nombreux militaires, qui avaient défilé dans toutes les grandes artères de la ville de Lubumbashi : « Ne venez plus parader avec vos chars à Lubumbashi, qui est tout à fait paisible. Allez montrer vos gros biceps aux vrais hommes (de sinistre mémoire, hélas !) qui sont à l’Est, si vous vous prétendez des hommes ! » Trop c’est trop ! Y en a marre !

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